Deux événements dans la cité en ce mois de juin 2022.
Une conversation au Marché des Douves proposée par les laboratoires du CIEN à Bordeaux sous le titre S’instruire des mineurs non accompagnés à laquelle participent des partenaires ou professionnels de différentes disciplines concernées par ce thème et deux mineurs souhaitant prendre la parole dans cet espace qui leur est offert.
Contingence.
Les ultimes représentations de la pièce de théâtre Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad, sont annoncées au Théâtre national de La Colline à Paris. Un des chefs-d’œuvre du dramaturge qui a l’exil en bandoulière [1].
Osons faire le pari de la rencontre de ses deux événements
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Pourquoi Wadji Mouawad : l’exil fondamental
Comédien, metteur en scène, directeur du Théâtre national de la Colline, Wajdi Mouawad est l’auteur d’une œuvre incontournable, traduite en plusieurs langues, et saluée par de nombreuses récompenses internationales. L’exil, il l’a éprouvé, en en ayant fait l’expérience dès l’enfance. Il quitte le Liban, son pays natal, en guerre, en 1978, il est alors âgé de dix ans. En 2007, il dit « C’est vrai. Je suis tout le temps en mouvement. Physiquement et mentalement. Comme si mon corps et ma pensée ne pouvaient se résoudre à se fixer. C’est épuisant mais j’ai besoin de ce vagabondage mental ».
Son prénom signifie « mon existence » en arabe. « … mon père, qui venait de la montagne, a tenu à nous donner des prénoms arabes. Nous étions les seuls, parmi nos cousins et nos camarades de classe, à ne pas avoir de prénoms français. Cela a sonné comme un rappel constant de mon étrangeté. Un signe que je n’étais pas d’ici… » [2], premier exil fondamental. Puis en France, il éprouve d’autant plus l’étrangeté de ce nom, Wajdi Mouawad. Au collège, il s’évertue à gommer les différences. « Je désirais férocement ressembler à mes copains. J’ai appris le français très vite. Excellent élève, capitaine de l’équipe de rugby, j’étais ce qu’on appelle un exemple parfait d’intégration ». Quelques années plus tard pourtant, la famille s’exile à nouveau, vers le Québec cette fois-ci. Wajdi a seize ans et vit ce nouveau déracinement comme une profonde déchirure. « Tout m’était étranger. Je ne partageais rien avec les autres lycéens. Ni leur culture, ni leur sport. Je les trouvais tous crétins. Je me suis alors réfugié dans la littérature, devenant un petit intello snobinard. J’ai tout laissé tomber, je n’allais plus en cours. Je passais mes journées à errer dehors ».
L’écriture comme seul ancrage
« Au début des années 90, j’ai ressenti les premières fulgurances face aux textes qui se déployaient devant moi. Je n’ai jamais eu l’impression d’être l’auteur de mes pièces. Les histoires s’imposent à moi. C’est comme une rencontre. Vous percevez une ombre fuyante qui vous regarde, vous persécute. Au début vous ne savez pas ce que c’est. Puis vous réalisez que cette chose qui vous regarde, c’est l’histoire, la pièce ou le roman à venir. Alors vous vous exécutez ». Comme si les exils successifs avaient imprimé l’impossibilité de se fixer. Pour ne pas subir, encore et encore, la douleur de la séparation et le sentiment de la perte. Ne pas s’enraciner, pour ne pas se déraciner. L’écriture comme seul ancrage.
La force de ses premières créations est étourdissante. Les spectateurs sont ébranlés. Wajdi Mouawad prend le temps de nous raconter des histoires. Il travaille davantage en plasticien qu’en littéraire. Incendies et Forêts, les deuxième et troisième pièces du quatuor épique Le sang des promesses (Littoral, Incendies, Forêts et Ciels), sont des pièces écrites en même temps qu’elles se montaient, dans un va-et-vient permanent et très long entre le texte et la scène. Elles forment un cycle de l’exil et des origines au souffle extrêmement puissant. « Évidemment, c’est de là que tout commence. Parce que tous mes ancêtres sont libanais, parce que toute écriture est exil, parce que même si je n’ai pas vécu la guerre, je me suis construit en rapport à elle. Après tout, je suis une des multiples façons d’être libanais aujourd’hui ! »
Être taché par l’existence
Littoral est l’œuvre rivage à partir de laquelle on peut prendre le large, entreprendre le début d’un voyage. Cette pièce fait entendre ce qui est en jeu dans la soif d’une équipe de jeunes. Ils sont mus par le désir de prendre la parole. « Prendre la parole pour témoigner et attester de son existence. Avoir le courage de dire « je » et ne pas renoncer à soi-même. Prendre le risque d’exister. S’inscrire dans une histoire et porter une mémoire, pour lutter contre l’oubli des charniers. Être le fil, mais le fil vivant, qui relie ceux d’hier et ceux de demain. » [3] À la question « Comment entrevoyez-vous votre propre situation au sein de cet univers de confusion, de ce questionnement au sujet de l’existence ? », Wajdi Mouawad répondait « Risquer. Se mouiller, m’attacher à un point de vue sur le monde. Être taché par l’existence comme un verre de vin tache à jamais la nappe blanche. Prendre des risques « en pensant tout haut » devant les autres. [4] Une parole qui n’est pas prosélyte, mais se risque en assumant sa vulnérabilité, parce qu’elle n’est rien d’autre qu’elle, c’est-à-dire un point de vue. Tout individu ne parle que “depuis sa fenêtre”. » [5]
Partage de langues
Mère est une pièce autobiographique, une pièce bouleversante qui poursuit avec ce troisième volet le cycle « Domestique » qu’il a commencé en 2008. Cette nouvelle création offre un partage de langues entre français et arabe libanais. Rires, larmes, beauté, horreur, petites joies et grands drames. À partir d’éléments autobiographiques, il déploie une fiction, partage de l’histoire de la guerre au Liban et celle de l’histoire intime et familiale d’un jeune garçon de dix ans qui grandit dans une famille en exil. Fuyant la guerre civile libanaise. Une mère et ses trois enfants trouvent refuge à Paris, tandis que le père est resté au pays pour poursuivre ses activités professionnelles. Cinq années d’attente et d’inquiétude, pendant lesquelles tous espèrent la fin de la guerre pour retrouver leur vie d’avant. Le dernier des enfants assiste, sans pouvoir ni exprimer ni agir, au rouleau compresseur de l’histoire écrasant la personne qui lui est la plus chère, sa mère. Il ignore alors que ces événements le marqueront à jamais, du souvenir qu’il porte de sa mère.
Comment devient-on un oiseau amphibie ?
Tous des oiseaux, est l’histoire intime d’Eitan, « dynamitée par la violence du monde ». Auteur québécois d’origine libanaise vivant en France, Wajdi Mouawad rencontre un jour une historienne juive ayant contribué à faire connaître un diplomate musulman, converti de force au christianisme. Leurs conversations orale et écrite ont comme « fil d’or » le personnage de Hassan Iln Muhamed el Wazzân. « Le personnage subjugue tout en ouvrant des chemins à l’auteur, car il entre en résonance avec une histoire et une question qu’il porte depuis des années : Comment devient-on son propre ennemi ? ou, pour le dire autrement, comment devient-on « oiseau amphibie » ? »
La légende de l’oiseau amphibie, il nous la raconte : Un jeune oiseau prend son envol pour la première fois au-dessus d’un lac. Apercevant les poissons sous l’eau, il est pris d’une curiosité immense envers ces animaux sublimes, si différents de lui. Alors qu’il plonge pour les rejoindre, la nuée des oiseaux, sa tribu, le rattrape aussitôt et l’avertit : « Ne va jamais vers ces créatures. Elles ne sont pas de notre monde, nous ne sommes pas du leur. Si tu vas dans leur monde, tu mourras ; tout comme eux mourront s’ils choisissent de venir vers nous. Notre monde les tuera et leur monde te tuera. Nous ne sommes pas faits pour nous rencontrer. » Les années passant, une mélancolie profonde le gagne, observant ces poissons sans pouvoir les atteindre. Par une sublime journée où il se rend au lac pour les admirer, un vertige le saisit : « Je ne peux pas vivre ainsi ma vie durant, dans le manque de ce qui me passionne. Je préfère mourir que de vivre la vie que je mène. » Et il plonge. Mais son amour pour ce qui est différent est si grand, qu’à l’instant même où il traverse la surface de l’eau, des ouïes poussent et lui permettent de respirer. Au milieu des poissons, il leur dit : « C’est moi, je suis l’un des vôtres, je suis l’oiseau amphibie. ». La légende persane de l’oiseau amphibie me faisait rêver lorsqu’on me la racontait petit. Cette histoire de mutation me bouleverse aujourd’hui dans ce qu’elle raconte de notre époque, de notre monde et de notre rapport à l’Autre, à l’ennemi, pour ainsi dire.
Le fleuve du malentendu
La rencontre avec le personnage converti de force, très vite, agglomère une série d’événements, liés à des hasards, à première vue disparates, mais dont la conjugaison ouvre des fenêtres vers des horizons inattendus. Tous des oiseaux a donc trouvé sa source dans une rencontre avec l’idée absolue de l’Autre. Wajdi Mouawad veut respecter les langues de la fiction et les faire entendre : allemand, anglais, arabe, hébreu, ces langues qui se croisent en Israël. Faire entendre les langues ensemble pour révéler les frontières et les séparations et tenter de remonter le fleuve du malentendu, de l’incompréhension, de la colère, de l’inadmissible.[6] Une pièce de théâtre naît avec des comédiens et concepteurs qui portent cette géographie éclatée, tous issus de différents pays et de langues maternelles différentes.
Le pari de la rencontre des jeunes
Wajdi Mouawad est donc un homme de rencontres et d’amitiés. En 2011, il propose à cinquante adolescents de l’accompagner pour une aventure longue de cinq ans. Ce projet est nommé « Avoir 20 ans en 2015 ». Cinq grandes villes y participent. En plus des cinquante jeunes, on compte aussi environ vingt accompagnateurs. Le projet est né d’une réplique d’Incendies, où une grand-mère dit à sa petite-fille : « Si tu veux t’en sortir, tu dois apprendre à : lire, écrire, compter, parler et penser. » Chaque verbe est associé à une année et à un voyage dans une ville où tous les jeunes sont invités et se retrouvent : Lire à Athènes, Écrire à Lyon, Compter à Auschwitz, Parler au Sénégal, et Penser au cours d’un voyage divisé en deux parties : la première dans une ville attribuée aux différents groupes formés pour l’occasion et, la deuxième, à Athènes. Il avait pensé à un voyage en mer, voire que le voyage parfait pour ce verbe aurait été un voyage sur la Lune. Ils se retrouvent donc tous ensemble, Wajdi Mouawad, les cinquante jeunes et les accompagnateurs, une fois par an. L’aboutissement du projet n’est pas théâtral ; à la fin, les jeunes sortiront simplement d’une aventure exceptionnelle, enrichis d’un regard très riche sur le monde et de souvenirs inoubliables. Il dit avoir donné le premier souffle de vie à ce projet car il aurait aimé que l’on fasse la même chose pour lui quand il avait le même âge que ces jeunes. Sa façon à lui d’être en compagnie.
Le pari de la conversation avec ceux qui accompagnent lesdits MNA
Aurélien Caron a partagé avec nous un peu de sa façon à lui d’être en compagnie des mineurs non accompagnés. Participant au laboratoire S’instruire des a-ccompagnés, il a choisi d’offrir la possibilité à deux jeunes qu’il rencontre de participer à la conversation proposée par les laboratoires du CIEN à Bordeaux au Marché des Douves S’instruire des mineurs non accompagnés. Écouter alors Seydou et Ladji, rester au plus près de ce que ces jeunes veulent nous dire, Aurélien Caron considérant que souvent on parle d’eux lors de certaines réunions, en les enfermant dans nos discours sur eux, alors qu’ils ne sont pas là. Son pari en tant que psychologue dans une institution, fut donc celui de la conversation avec eux et les différents partenaires, professionnels présents ce soir-là.
Aurélien — « Souvent, les jeunes peuvent faire part de certains malentendus qu’il peut y avoir avec les équipes. Et je me rappelle d’une fois où Seydou tu m’avais dit, une expression d’ailleurs typique de ton pays la Côte d’Ivoire, qu’avec les équipes il pouvait y avoir 16 mètres. Qu’est-ce que tu entends par 16 mètres ? »
Seydou — « S’il y a une petite discussion entre moi et les éducatrices, tout ça, et les éducateurs, et bien du coup je reste toujours dans mes 16 mètres. C’est-à-dire je reste toujours à distance avec l’éducateur pour… Ça va plus trop loin. Voilà, c’est ça. Après, souvent il veut juste savoir la langue que je parle, comme ce qu’on dit en Côte d’Ivoire et il me pose des questions et bon, j’aime lui répondre tu vois et après aussi, lui il pose des questions, comment, comment ça s’est passé et comment, comment on parle, comment on se comporte dans la rue et puis j’essaye de l’expliquer, voilà. »
Aurélien — « Et d’ailleurs, la langue, la langue nouchi, comme il dit, c’est celle que tu connais aussi Ladji ? C’est quoi cette langue ? »
Ladji — « Cette langue, c’est… Nous, on n’a pas eu la chance d’aller à l’école, on s’est débrouillé avec ça en Côte d’Ivoire, on parle ça, comme ça, pour se comprendre. Je veux dire, c’est une langue que vous vous savez pas. »
Philippe Lacadée — « C’est-à-dire que c’est une langue pour vous parler entre vous ? Pour mieux vous comprendre ? Mais c’est pas la langue qu’on vous apprend à l’école ? »
Ladji — « En fait, c’est ça, le Français un peu travesti pour se comprendre entre nous… » Soudain selon le mode d’une question assez ironique il précise son désir « Mais pourquoi moi je suis ici ce soir ? C’est pour rendre un témoignage ? »
Le vif de l’appel et la création d’un lien nouveau
Philippe Lacadée — « Vous voulez bien ? »
Ladji — « Vous êtes ceux qui travaillent dans les associations. Du coup, j’avais une question à vous poser aussi. Les éducateurs qui travaillent, nous, ils nous aident beaucoup mais du coup dans l’association, dans laquelle ils travaillent, s’ils ne sont plus dans cette association, on ne peut plus les appeler. Bon, moi je me demandais… Comme en France, ici, c’est eux qui nous aident à avoir nos papiers, être stables dans la vie. Mais après du coup, s’ils ne travaillent plus dans l’association, on ne peut plus les appeler, et eux ne peuvent plus nous appeler, du coup ça, c’est pas bien. »
Une certaine interrogation et un étonnement au cœur de la conversation. Ladji, eux, ces jeunes, venus dans notre pays, non accompagnés, vivent de nouvelles ruptures dans l’accompagnement qui leur est proposé.
Philippe Lacadée — « C’est pas bien parce que vous voudriez les appeler ? »
Ladji — « C’est pas bien parce qu’on s’est attaché… »
Philippe Lacadée — « À eux ? »
Ladji — « Oui. Beaucoup de gens du travail on ne peut plus les appeler… »
Ladji met ainsi en évidence la création d’un lien fort pour eux, ces mineurs, qui soudain ne trouvent plus de réponse à un appel, voire l’impossibilité même d’un appel, d’une adresse.
Philippe Lacadée — « Mais vous n’avez pas la possibilité de continuer à avoir un lien avec eux en dehors de… ? »
Ladji — « On nous dit que c’est interdit de les appeler ou soit qu’ils nous appellent. »
Ladji et Seydou nous parlent ainsi de cet interdit qu’ils ne comprennent pas, ce qui soudain nous paraît évident. Comment peut-on offrir ainsi des lieux où se créent des liens forts et, soudain, les interrompre sans en mesurer les conséquences pour eux ces mineurs ?
La mise en jeu du pari de la confiance : l’impasse du prédicat MNA
Seydou — « Je veux juste savoir… J’ai une question à vous poser aussi. En plus il y a, il y a manque de confiance aussi entre nous avec les éducatrices ou les éducateurs. »
Philippe Lacadée — « Vous commencez d’abord par les éducatrices d’ailleurs ? Quelle est votre idée là-dessus ? Pourquoi il y a plus d’éducatrices que d’éducateurs ? »
Seydou — « Moi je pense que les femmes, euh, si on les laisse pas la place, après elles vont essayer de gueuler un peu parce que… en plus les femmes, parce que, là où je suis, les femmes franchement, l’éducatrice elle est là. Si à chaque fois tu dis que tu veux voir tel éducateur, tu attends toujours, l’éducateur est malade et les femmes elles tombent jamais malades. (Rires) C’est vrai ! Ah ouais, je sais pas… Moi là, celle qui m’accompagne, Gwenaëlle, elle est toujours là pour moi. »
Philippe Lacadée — « Voilà, Gwenaëlle, elle est comment Gwenaëlle ? »
Seydou — « Oh là… Elle est bien, mais souvent… Elle est bien mais souvent… elle est pas directe quoi… si elle n’est pas directe, genre, il y a un manque de confiance entre nous, entre nous avec elle, en fait. Voilà, même si tu as de l’argent, tu t’achètes des belles choses ou ça, bon, s’il y a quelque chose que tu veux acheter ou soit, tu veux aller quelque part, genre elle, genre elle te croit pas quoi, je ne sais pas si vous me comprenez ? »
Philippe Lacadée — « Si, si … mais précisez si vous voulez bien »
Seydou — « Voilà tu crois pas ? Bon, même si tu as l’argent en espèces elle te demande qui t’a donné ? Ou soit tu fais quoi avec cette somme. Tu vois, elle sait, elle sait très bien que tu travailles…Voilà bon souvent, bon quand c’est comme cela, c’est les choses, et bien ça part en cacahuète, tu vois ? »
Philippe Lacadée — « Ah… les cacahuètes. C’est bon les cacahuètes. Et vous êtes de… du Sénégal ? »
Seydou — « Ah non, non, non. Même pas, de la Côte d’Ivoire. »
Philippe Lacadée — « Pourquoi vous dites même pas ? »
Seydou — « Ah, même pas ? Non, parce que, il y a qui nous confondent, j’ai parlé avec lui… Il y a beaucoup de gens qui nous confondent… Un Congolais, Sénégalais, Antillais, en fait. Et pourtant, je suis jamais été là-bas. »
Philippe Lacadée — « Et vous parliez de confiance et, peut-être aussi, d’une certaine méfiance vis-à-vis de vous. »
Seydou — « Oui je trouve ouais. Une certaine méfiance ouais. Parce qu’ils ne nous font pas confiance. »
Philippe Lacadée — « Ils ne vous font pas confiance et vous savez pourquoi ils ne vous font pas confiance comme ça ? »
Seydou — « Parce qu’il dit… parce qu’on deale. »
Philippe Lacadée — « Ah ? Vous dealez… »
Seydou – « Ouais ok parce qu’on deale. Ouais ouais, ou parce qu’on fait des trucs chelou. »
Philippe Lacadée — « Mais c’est vrai que vous faites des trucs chelous ?
Seydou — « Ah non… »
Seydou nous fait alors saisir de façon claire et très lucide les clichés dans lesquels on les enferme, si l’on y sent un sentiment de persécution, il nous fait saisir l’impasse dans lesquels on les met.
Philippe Lacadée — « Vous pensez que les gens-là comme ça, ils se disent… comme ce sont des mineurs non accompagnés, ils font des trucs un peu bizarres. Vous sentez d’entrée qu’il y a une méfiance ou pas du tout ? »
Seydou — « Ouais ben moi… bah moi… Je me sens ouais… Il y a un manque de compréhension entre eux, avec nous en fait. Voilà avec… parce que même quand j’ai parlé avec Aurélien par exemple… »
L’impact de la parole et le fait d’être entendu : une inflammation du verbe en acte !!!
Philippe Lacadée — « Il est bien Aurélien… »
Seydou — « Non, franchement, c’est un bon gars. »
(Rires)
Philippe Lacadée — « Ça se voit sur lui. »
Seydou — « Nan, si je dis que c’est un bon gars parce que c’est quelqu’un…à qui je parle. Ouais, on se voit dans la séance en fait. Voilà, on se voit chaque semaine, une fois, et après, maintenant, il m’a dit de laisser le temps aux autres jeunes. Ah, c’est parce que l’on se voit tous les deux, toutes les semaines et là du coup… bon… et de laisser la place aux autres jeunes aussi. Il va essayer… »
Philippe Lacadée — « Vous le rencontriez un peu pour parler avec lui… Vous le rencontriez pour parler avec lui, et vous voulez plus ? »
Seydou — « Bah ouais. »
Philippe Lacadée — « Et c’est important de parler… »
Seydou — « Ouais ouais… franchement. Ouais c’est bon, ouais. Parce que c’est quelqu’un qui est bien plus. En vrai, il va vous gâter quoi ? Un frère, il va vous guetter »
Difficile de saisir ce qu’il disait, ce qu’il voulait dire. Gâter ou guetter ? Avions-nous bien entendu ce qu’il avait voulu dire entre gâter et guetter ? Comme si se jouait-là pour lui l’enjeu fondamental contenu entre ces deux signifiants, mettant en évidence l’essence de ce que peut être pour eux, et pour nous, cette fraternité ainsi renouvelée dans cet instant du pari de la conversation. D’où l’importance de la langue vivante qui se crée ainsi, à condition que le pari de la conversation lui donne un petit coup de pouce. C’est aussi ce don de parole offert à l’autre qui met en évidence que la parole a en elle-même un don. Instant de poésie que seule l’équivoque de la langue nous permet d’entendre, comme le fait si bien valoir Wajdi Mouawad. Moment qui, dans ce vif de notre conversation, fut saisi comme une ouverture à son frère en conversation avec nous.
Il y a des traversées difficiles : de la torture à la rue
Philippe Lacadée — « Ladji ? »
Ladji — « Moi, en fait, c’était pour vous remercier, tous ceux qui travaillent dans les associations, parce qu’il y a eu des traversées difficiles… Des traversées difficiles pour arriver en Europe et ici. Et ils m’ont beaucoup aidé surtout à Bordeaux, quand j’ai été au squat. »
Philippe Lacadée — « Vous étiez dans quel squat ? »
Ladji — « J ’étais au fort Life »
Philippe Lacadée — « Ça a été dur la petite traversée, et tout ça ? »
Ladji — « Oh oui, ça a été dur. »
Philippe Lacadée — « Vous voulez dire un mot ou ça vous embête ? »
Ladji — « Oui, si ça vous prend pas du temps. »
Philippe Lacadée et d’autres — « On prendra le temps. »
Ladji — « D’abord j’ai quitté la Côte d’Ivoire en 2018. Avec un ami. Cet ami m’a dit de venir en Algérie pour venir travailler un peu. Du coup, dans le désert, on s’est retrouvés en Libye. On a été torturés pour que les parents puissent payer de l’argent. »
Philippe Lacadée — « Vous avez été torturés ? C’est à dire exactement ? »
Ladji — « C’est à dire ? On nous a envoyé dans des prisons privées en Libye. Comme là-bas, il y a pas de prisons, y a pas de loi. On peut vous ramasser sur le désert et puis vous jeter en prison. On vous dit d’appeler les parents pour qu’ils puissent payer de l’argent. Du coup, moi, mon père il n’avait rien. C’est mes oncles qui ont cotisé pour que je puisse sortir, voilà. Et quand je suis sorti de prison, on m’a envoyé au bord de de la mer, on nous a mis dans les bateaux, dans les zodiacs et on nous a dit qu’on partait sur l’Italie. On a fait un jour, un jour et demi sur l’eau. Bon, les Espagnols nous ont sauvé. Et nous sauvés du coup on a fait neuf jours avec eux. Ils voulaient nous envoyer en Italie. Du coup, l’Italie avait refusé. Ils ont fait direct… On a fait neuf jours dans le bateau. Du coup, quand on arrivait en Espagne, du coup ? Je suis resté en Espagne pendant quatre mois. Puis je suis venu à Madrid ? »
Philippe Lacadée — « Quand vous êtes resté en Espagne, c’était dans la rue ? Ou alors vous avez été accueilli ? »
Ladji — « Oui, oui. J’étais dans une association. Du coup, je ne comprenais pas l’espagnol, ça me fatiguait. Ça me fatiguait, je ne pouvais pas parler. Oui, du coup j’ai décidé de venir en France, je me suis renseigné. On m’a dit en plus… l’Espagne a des frontières avec France et du coup je suis sorti dans la rue… je connaissais personne et si je vois des noirs comme moi, je leur demande, il y a d’autres qui ont pris le même ticket. Je suis parti pour Madrid. Quand je suis arrivé à Madrid. Il y a une association qui est là-bas… qui ont payé mon transport de Madrid jusqu’à la frontière. Et quand je suis arrivé à la frontière, j’ai marché de Irún jusqu’à Bayonne. Et quand je suis arrivé là-bas il y avait une association là-bas aussi. Et ils m’ont payé mon transport pour venir à Bordeaux. Du coup quand je suis arrivé ici, je dormais dans la rue. Je ne connaissais pas le squat. Du coup quand je suis arrivé, c’est quelqu’un qui après m’a dit le 115 et j’ai appelé le 115. Et ils ont appelé Samu social. Samu social et j’ai fait un jour là-bas. Après ça, ils m’ont envoyé à SAMINA et SAMINA, ils n’ont pas pu me prendre et je suis resté bloqué 3 semaines dans la rue. Du coup, il y avait les Frères noirs qui étaient à la Victoire. C’est eux qui m’ont montré fort Life. Du coup, j’étais là-bas encore. J’ai fait plus que trois mois là-bas. J’ai pas eu la chance comme les autres, en fait là… ceux qui m’ont accueilli comme les éducateurs, ils m’ont beaucoup aidé… C’est pour la remercier, mais ce qui m’embête un peu… quand ils démissionnent de leur travail, surtout les jeunes, ils ne peuvent pas nous appeler vraiment, c’est un peu dommage. »
Une enseignante — « Si les éducateurs ils ont envie de t’appeler, enfin si t’as envie d’appeler, tu appelles, quoi… faut pas… les règles… enfin ce sont des êtres humains. Si tu as besoin d’avoir des nouvelles, il faut le faire. »
Ladji — « Bon d’abord, moi mon premier éducateur que j’ai eu, il a démissionné, du coup, en partant, il m’a dit qu’il partait et je lui ai demandé son numéro, s’il pouvait me donner son numéro, et si je pouvais l’appeler de temps en temps et il m’a dit non que c’était interdit tant que je suis dans cette institution, il ne peut jamais me donner son numéro. C’est un truc dommage parce que quand on vient en France, on a l’impression que les premiers parents ce sont les éducateurs. »
Surprise des participants de la conversation
Ladji — « Ben oui… »
Philippe Lacadée — « Et là maintenant, en dehors, vous avez des amis, des… »
Ladji — « Oui, j’avais des amis à Bordeaux ici. On s’est un peu dispersés, il y en a qui sont partis vivre… C’est comme ça. Avec le travail aussi… »
Philippe Lacadée — « Là, vous travaillez ? Qu’est-ce que vous faites ?
Ladji — « Je suis dans le BTP. »
Philippe Lacadée — « Et vous Seydou, vous travaillez ? »
Seydou — « Oui, je travaille dans le bâtiment, je fais, je fais couvertures et zinguerie… »
Un participant — « Et vous êtes en formation avec quelle structure ? »
Seydou — « Moi, je suis en formation avec BATIPRO. Je ne sais pas s’il y a un BATIPRO à Bordeaux, BATIPRO à Libourne. »
Un autre participant — « Vous êtes en apprentissage, alors ? »
Seydou répond « oui » et les participants les interrogent pour savoir si ce sont des métiers qu’ils ont choisis ou si c’était le seul possible parce qu’il y avait un patron disponible pour eux.
Ladji — « Bon, moi d’abord le métier. Mon premier métier, c’était la maçonnerie. J’ai eu mon diplôme, j’ai eu mon diplôme, j’ai même… »
Philippe Lacadée — « Quand vous étiez en Afrique ? »
Ladji — « Comme j’avais pas de papiers j’étais à la maison, je faisais rien, aussi, on m’a proposé et j’ai accepté, mais je me suis donné, j’ai eu mon diplôme quand même. Après la fin de ma formation, j’ai décidé à changer un peu alors. Et j’ai changé un peu. Mon rêve, c’est d’être chauffeur routier, c’est ça qui… »
L’enseignante — « Alors à Blanquefort, tu peux faire une année en apprentissage si t’as un CAP, t’en as un CAP ? »
Ladji — « Non, il y a le diplôme. »
L’enseignante — « Mais bon tu peux te renseigner enfin tu regardes. Une année… Tu peux être routier, si t’as un CAP en apprentissage, avec le permis de conduire, il faut que tu passes le permis de conduire. Et bien, en une année, tu peux faire un apprentissage pour routier. Ils t’apprennent à conduire le camion, ils te font passer le permis au camion donc c’est pas un rêve qui n’est pas réalisable, ça peut être réalisable. »
Des participants — « Tu n’as pas de papier ? »
Ladji — « Si ».
Et la conversation s’ouvre sur la question essentielle.
Une participante — « Ah donc tu as été reconnu mineur et là tu as un titre de séjour ? »
Ladji (souriant) — « Oui. »
La conversation s’anime alors. Tous les partenaires travaillant dans différentes associations accueillant ces mineurs non accompagnés font entendre, à la fois leurs impasses souvent liées aux structures administratives tout en mettant en évidence tout l’effort qui était fait en Gironde, mais aussi toutes leurs inventions et leur savoir y faire. Un constat cependant, une certaine restriction de l’accueil et l’influence de la nocivité d’un type de discours politique qui s’insinue à bas bruit.
C’est bien grâce à l’offre faite aux deux jeunes mineurs Seydou et Ladji que le fil de notre conversation fut d’élever ce qui est tragique, à la fois dans leurs choix forcés d’émigrer et de vivre un exil douloureux, à la dignité d’une parole portant à conséquences, où chacun faisait entendre son style de bien dire la chose. Car une certaine tragédie se laissait entendre aussi dans ce qui se joue dans nos institutions dites d’accueil.
Du vif de la tragédie à la dignité de la mise en scène : retour sur le théâtre
Parole fut ensuite donnée au théâtre qui sait élever le tragique à la dignité de la comédie. Ce qui peut s’observer comme troubles dits du comportement a toujours valeur de pantomimes, soit de textes à déchiffrer qui, souvent à l’insu de ces jeunes, envahissent leurs êtres et n’apparaissent qu’ainsi sur la scène du monde. Ce fut aussi le pari de cette conversation grâce à la participation de Wahib Chakib, rappeler l’importance du théâtre et de son cri vivant ! Poète d’origine marocaine, il aime faire parler les langues d’ici et d’ailleurs, croit au verbe et à l’impact de l’écriture poétique, à la rencontre. Il accompagne lui aussi à sa façon.
Wahid Chakib — « Je m’appelle Wahid Chakib. Je suis comédien et metteur en scène pour l’association Alifs. J’ai créé un dispositif à destination des enfants en classe UP2A. Le travail que je mène avec les professeurs et les enfants allophones est d’abord un outil d’intégration et d’apprentissage de la langue française. Le deuxième objectif est de permettre à ces jeunes de monter sur scène et d’amener leurs parents au théâtre. Nous travaillons avec le TNBA, le Théâtre Bordeaux National Aquitaine et Catherine Marnas, sa directrice, qui souhaitent s’ouvrir à différents publics et créer une mixité interculturelle et sociale. J’ai aussi des parents qui jouent dans le spectacle. Les spectacles, que je monte avec ces jeunes artistes, intègrent leurs cultures, leurs langues. J’ai des jeunes qui sont des penseurs, d’autres qui sont des chanteurs ou des conteurs. Du coup, nous avons toute une richesse culturelle qui est un vrai voyage. C’est magnifique d’ouvrir ce théâtre, le TNBA pendant trois jours à ces jeunes-là et à leurs familles, à la population et leur dire « vous êtes ici chez vous, le théâtre, c’est chez vous. » Ça les élève. Ils jouent dans des conditions professionnelles. Il y a une humanité généreuse qui se dégage alors de ces jeunes. Ils donnent une autre image. J’ai trois anciens élèves qui ont intégré l’École d’Art dramatique de Bordeaux. J’en ai un qui a poursuivi à Paris. C’est vraiment super ! Je suis intervenu également auprès d’une classe qui avait des mineurs non accompagnés avec, mais malheureusement, on n’a pas continué parce qu’il y avait trop de contraintes au niveau du Département. »
Une enseignante — « On arrive à faire des choses… »
Wahid Chakib — « Oui… Enfin, c’est très compliqué quand même. Avec le Casnav, on essaie de faire des choses, mais l’essentiel de mon travail se fait avec cinq classes UP2A. On essaie de s’ouvrir sur la Nouvelle Aquitaine pour donner la parole à ces jeunes, pour qu’ils jouent dans des conditions professionnelles. Parfois, j’ai des directeurs de casting qui me contactent. Ils ont remarqué tel ou tel jeune. Et puis, il y a l’art. Je veux montrer que l’art est accessible. Avec la région, j’ai créé un festival de match d’improvisation. J’essaie avec mes petits moyens de les intégrer, de leur dire « Il faut se battre. Vous pouvez y arriver. Vous allez vous en sortir. Vous pouvez, vous devez faire votre place parce que vous êtes des citoyens du monde. La langue n’est pas un obstacle et quand on porte un rêve en nous, on peut aller plus loin. » Voilà ce que je leur dis. Ça, c’est formidable parce que c’est très difficile. J’essaie de ne pas les victimiser. Je connais leurs parcours de vie, un parcours difficile, très difficile, chargé d’émotions. Certains ont vu des morts. Mais ce n’est pas ce que je veux entendre d’eux, ce n’est pas ce que je veux montrer. Je veux montrer leurs personnalités parce que on est tous des humains. C’est avec l’engagement qu’on porte en nous qu’on avance, avec eux, qu’on leur donne une place dans l’espace culturel. La culture, c’est très important. Ça permet de s’ouvrir sur le monde. »
S’instruire des a-ccompagnés
Marie-Ève Sarais — « Qu’est-ce qu’ils t’apprennent ? »
Wahid Chakib — « Ils m’apprennent beaucoup de choses. Ils m’apprennent l’humilité, la modestie. Je rêve avec eux lorsque j’entends leurs langues. Quand on fait un spectacle ensemble, je leur dis qu’avec l’émotion, on peut se comprendre. Avec la langue, on communique mais avec l’émotion du théâtre, c’est autre chose qu’on comprend. Quand ils sont sur scène, ils se donnent, ils sont là pour prendre la parole, pour dire « On est là et on existe ! » Ça, c’est formidable. C’est pas évident pour eux. Ils sont obligés de faire du théâtre parce que j’interviens pendant le temps scolaire. Ils n’ont pas le choix. Il y en a qui n’aiment pas, mais ils doivent le faire. C’est intéressant pour eux malgré tout car ça les aide après pour défendre leur projet, pour aller à la préfecture etc… Ça leur donne une confiance. Ils sont armés et ont le bagage qu’il faut. Et puis, ils cultivent leur curiosité avec le théâtre et ça, c’est incroyable ce que ça peut leur apporter. »
Des âmes abandonnées au goût de vivre
Apprendre l’humilité. Wajdi Mouawad sait nous dire lui aussi que de sa rencontre avec l’œuvre de Sophocle, il a été marqué irrémédiablement, parce qu’elle est venue résonner avec son expérience. Il en comprend que l’on ne peut présumer de soi. Il nous a d’ailleurs offert en 2011, au Rocher de Palmer à Cenon, la première mondiale de la trilogie Des femmes, avec l’adaptation et la mise en scène de Les Trachidiennes, Électre et Antigone, un spectacle d’environ sept heures. Ces personnages lumineux, qui, comme lui, avaient un rapport à l’enchantement profond, la foi absolue que ce monde était magique, qu’il puisse exister une harmonie, chutent. Mais avec lui, le deuil et l’ébranlement sont matière à création, pour faire de situations impossibles un lieu de guérison, une Inflammation du verbe vivre, aussi nom de sa pièce en hommage à Robert Davreu, son ami disparu, et traducteur de Sophocle, dans laquelle il part en quête de Philoctète et des héros antiques. Au fil de son voyage, il rencontre les âmes abandonnées, entend les chiens qui hurlent, croise les dieux… pour finalement retrouver le goût de vivre et l’envie de poésie. Réapprendre à parler, à inventer les mots nouveaux pour faire rire et pleurer morts et vivants, pas sans un rapport à la nature puissant, comme il l’a été pour lui dès son enfance et a scellé sa rencontre avec son ami disparu.
Réapprendre à parler, inventer les mots nouveaux, Inflammation du verbe vivre.
Dominique Grimbert et Philippe Lacadée
[1] Geffroy L., « Wajdi Mouawad, l’exil en bandoulière », L’Orient littéraire n°166, avril 2007.
[2] Darge F., « Wajdi Mouawad : le théâtre comme antidote à l’exil », Le Monde, 27 octobre 2006.
[3] Mouawad W., Littoral, Léméac Éditeur, 2009, Posface de Charlotte Farcet, p. 176.
[4] Côté J. F., Architecture d’un marcheur, Entretiens avec Wajdi Mouawad, Leméac, 2005, p.111.
[5] Mouawad W., Littoral, Léméac Éditeur, 2009, Posface de Charlotte Farcet, p. 176.
[6] Programme Tous des oiseaux, La Colline Théâtre national.